Cet été, alors que les aides à l’achat de véhicules (plus) propres se multiplient, L’Usine Nouvelle vous aide à faire votre choix avec sa série d’été « L’auto passe au vert ». Après avoir été validé par arrêté ministériel le 3 avril 2020, le rétrofit, ou la transformation d’un véhicule thermique en électrique, s’invite sur les routes. Dans l’attente des homologations, les acteurs du secteur sont dans les starting-blocks.
Après avoir passé le contrôle législatif, le rétrofit doit encore passer le contrôle technique. Depuis le 3 avril, et la publication d’un arrêté ministériel autorisant le rétrofit, il est possible – en théorie – de transformer son véhicule thermique en électrique (batterie ou pile à combustible à hydrogène). Mais dans un marché en pleine croissance, les acteurs du secteur attendent toujours l’homologation de leurs procédés par l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (Utac), dont ils prévoient une réponse en fin d’année 2020.
Le rétrofit, c’est quoi ?
Bien connu dans les pays anglo-saxons, où le procédé existe depuis une vingtaine d’année, le rétrofit consiste à convertir les véhicules thermiques en électriques, via le remplacement du moteur et l’installation d’une batterie ou d’une pile à hydrogène. « Le principe est de modifier le véhicule en effectuant le moins de remplacement de pièces d’origines« , explique Jérémy Cantin, président de la branche maintenance-vente, chargé de l’électromobilité à la FNA (Fédération nationale de l’artisanat automobile) et directeur de e-Neo, une start-up vendéenne spécialisée dans le rétrofit.
L’agrément pour la conversion sera délivré par l’Utac à certaines entreprises spécialisées du secteur, pour un modèle spécifique de voiture. « Ainsi, contrairement à l’Allemagne où chaque voiture doit faire l’objet d’une homologation coûteuse, environ 4 000 euros par exemplaire et à la charge du client, nous avons une démarche industrielle », explique Aymeric Libeau, secrétaire général d’AIRe (Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique), une association qui réunit une dizaine d’entreprises spécialisées dans le rétrofit et fondateur de la start-up orléanaise Transition-One. « Après la validation d’un modèle, nous pouvons commencer à la fabriquer en série », précise-t-il.
Qui est éligible ?
Les véhicules de catégories M (voitures particulières, minibus, autobus, autocars, etc.) et ceux de catégorie N pour le transport de marchandises (utilitaires légers, camions de tous tonnages) devront être âgés d’au moins cinq ans au moment de la conversion. Un délai ramené à trois ans pour les deux et trois roues motorisés. Les véhicules immatriculés en collection, dont la modification est interdite, devront en revanche repasser en carte grise normale.
Côté motorisation, la puissance du véhicule rétrofité ne doit pas excéder celle de l’ancienne. Idem pour le poids, avec une marge de 10 %. Une problématique à prendre en compte pour les rétrofiteurs, quand on connait le poids des batteries (en moyenne 250 kilos) et la place qu’elles occupent. « Cela oblige à choisir des batteries légères, donc moins puissantes, explique Aymeric Libeau. C’est pourquoi la transformation vers une pile à combustible, encore plus volumineuse et lourde, concernera principalement les camions et les SUV. »
Enfin, la répartition des masses entre les essieux ne pourra pas différer de plus de 10 % par rapport au véhicule d’origine, car le texte édicté par le ministère interdit toutes modifications structurelles de la voiture. « On ne peut changer que la chaîne de motorisation : réservoir, moteur, ligne d’échappement, etc. poursuit Aymeric Libeau. On peut aussi modifier le système de freinage, mais il faudra re-homologuer.«
Quels véhicules sont concernés ?
« Le rétrofit doit offrir des solutions aux particuliers et surtout aux professionnels souhaitant passer à l’électrique, à un prix abordable, indique Jérémy Cantin. L’objectif étant que la transformation soit 50 % moins coûteuse qu’un véhicule neuf équivalent. » Le prix de la conversion dépendra du type de véhicule (nombre de chevaux, poids et taille du véhicule), car chaque modèle impliquera une batterie et une motorisation différente. « Théoriquement, tous les véhicules sont convertibles, mais certains s’y prêtent moins, faute de place pour les installations ou de contraintes techniques trop nombreuses », détaille Aymeric Libeau.
« C’est pourquoi nous avons choisi de cibler certains véhicules en priorité », résume-t-il. Sa start-up, Transition-One, a soumis à l’Utac l’autorisation pour deux modèles : la Twingo II et la Fiat 500. Pourquoi ce choix ? La Fiat 500 est la voiture la plus vendue en Europe et la Twingo II faisait partie des meilleures ventes entre 2010 et 2015. « Nous voulons très vite entrer dans un rétrofit industrialisable, avec une montée en charge rapide pour avoir un véritable impact écologique. Notre objectif, c’est l’Europe », ne cache pas Aymeric Libeau. À terme, la start-up prévoit de proposer 12 modèles à la conversion. « Les deux prochains modèles seront un utilitaire léger et une Mini », précise le patron d’entreprise.
Combien cela coûte ?
Côté prix, la bonne nouvelle pour les acteurs du secteur (et pour les particuliers) est tombée durant le mois de juillet. Comme un autre modèle électrique, une voiture rétrofitée est éligible à la prime à la conversion, aux mêmes conditions : 5 000 euros pour les foyers fiscaux inférieurs ou égaux à 6 300 euros, 2 500 euros pour ceux dont les revenus fiscaux sont inférieurs à 13 489 euros, et 1 500 euros pour les autres. Ainsi, aides à la conversion déduites, Transition-One propose de rétrofiter des Fiat 500 et des Twingo II pour 5 000 euros. Par ailleurs, si l’homologation est à la charge du client en Allemagne, en France, les acteurs du rétrofit ont décidé d’assumer ces frais. « Pour un modèle comme la Twingo II, cela se chiffre en centaines de milliers d’euros, c’est un investissement. »
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Côté performances, la batterie de 15 kW qui les équipe permet de rouler 170 kilomètres, en fonction de son utilisation (vitesse et accélération). Son temps de recharge est de cinq heures sur une prise domestique et de 2h30 sur une borne. « La durée de vie des parties sensibles, comme la batterie, premier élément à vieillir, peut largement dépasser les sept ans », assure Aymeric Libeau. Sa start-up offre quant à elle une garantie de cinq ans.
Quid des batteries et de la sécurité ?
Le cycle de vie des batteries est souvent pointé du doigt, à raison, par les détracteurs de l’électrique. Entre l’extraction des matériaux (cobalt, nickel, manganèse) présents dans les batteries – réalisée parfois dans des conditions de travail dangereuses et issue de techniques hautement polluantes – et leur recyclage, le bilan n’est pas tout vert pour l’électrique. « Nous recyclons le maximum de pièces au moment de la conversion, comme le radiateur par exemple, que l’on remet dans le circuit dans une logique d’économie circulaire, avance Aymeric Libeau. Chez Transition-One, nous avons fait le choix d’un fabricant de batterie français. Nous utilisons des batteries NMC (nickel, manganèse, cobalt), en essayant de minimiser au maximum leur présence, mais ce sont les batteries qui affichent la meilleure densité d’énergie. »
D’autres ont fait le choix de se passer de certains métaux rares. Comme Ian Motion, qui convertit des Mini Austin avec des batteries utilisant du lithium-ion, mais sans NMC.
La sécurité des véhicules électriques est aussi un enjeu. D’autant plus lorsqu’ils ont été transformés et qu’on a modifié des équipements essentiels, comme le moteur, synonyme de risques nouveaux pour des voitures qui ne sont pas adaptées. En cas d’accident, le caractère hautement inflammable des batteries lithium-ion est un danger supplémentaire pour les occupants du véhicule et donnent du fil à retordre aux pompiers. « C’est pour cela que nous avons recours à l’homologation, répond Aymeric Libeau. Toute une série de crash-tests est prévue. Les batteries vont être transpercées, incendiées, percutées… »
Qui sont les acteurs du secteur ?
Une dizaine d’acteurs propose pour l’instant leurs services en France. Ils sont regroupés au sein de l’association AIRe (Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique). « Chacun choisit ses modèles, certains sont dans une logique de préservation du patrimoine automobile français, et proposent la conversion de voitures anciennes, explique Aymeric Libeau. D’autres comme Transition-One, sont dans une approche plus industrielle ».
Quel avenir pour le rétrofit ?
Le marché est en pleine croissance, selon Aymeric Libeau. La prochaine étape est l’homologation par l’Utac des sous-ensembles utilisés pour la conversion, dont les professionnels du rétrofit attendent une réponse à la fin de l’année 2020. « Nous devrions pouvoir livrer nos premières voitures au début de l’année 2021« , se réjouit Aymeric Libeau. « Je suis en train de monter un réseau de partenaires agréés dans toute la France, poursuit-il. Ils pourront réaliser les opérations de conversion. Pour l’instant, j’ai 140 candidats partenaires ».
Et concernant le marché ? « Avec le confinement, tout s’est accéléré, assure-t-il. Les garagistes et les clients se sont demandés, que va-t-il se passer pour la suite ? » Et de conclure : « Mon premier client qui a pré-commandé une voiture l’a fait 15 minutes après l’ouverture du site. Lorsqu’on lui livrera, je lui apporterai les clefs moi-même ».
Source : usinenouvelle.com/article/